Dans un monde où le climat se réchauffe de manière alarmante, où les vagues de chaleur sont devenues monnaie courante, la nécessité de la fraîcheur pour une vie saine et du froid pour la conservation des produits périssables est devenue impérative. Depuis l’avènement du premier réfrigérateur domestique aux États-Unis en 1913, suivi de sa production industrielle dans les années 1930, et l’invention du premier climatiseur moderne par Carrier en 1902, ces technologies ont révolutionné nos vies. À la fin des années 1940, le « frigo » a commencé à envahir les foyers, tandis que la climatisation s’est d’abord répandue dans les hôtels, les grands magasins et les cinémas avant de conquérir les résidences privées à partir de 1950, puis les voitures aux États-Unis et dans le monde entier.
Les applications du froid sont multiples, qu’il s’agisse de réfrigération pour les aliments, d’utilisation industrielle ou de climatisation. En 2022, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), le nombre d’équipements produisant du froid s’élevait à 5,8 milliards dans le monde. Parmi eux, 2,4 milliards étaient des appareils de climatisation, 2,1 milliards des réfrigérateurs ou des congélateurs domestiques, et 1,2 milliards des voitures équipées de climatisation. Cette production de froid a englouti plus de 5000 TWh d’électricité, représentant 19 % de la consommation mondiale totale d’électricité, avec des émissions de gaz à effet de serre (GES) s’élevant à 4,1 milliards de tonnes de CO2équivalent (CO2e), soit 11 % des émissions mondiales cette année-là.
Le marché du froid, estimé à 300 milliards de dollars par an en 2023, soulève également des défis majeurs. Malgré ces chiffres impressionnants, il est crucial de ne pas oublier qu’au-delà des statistiques, plus d’un milliard de personnes dans le monde n’ont pas accès au froid, principalement en Afrique et en Asie du Sud. Cette réalité les expose à des risques sanitaires accrus lors de périodes de chaleur extrême, entraîne des pertes économiques dans le secteur agricole en raison du manque de moyens de conservation des aliments, et limite l’accessibilité aux produits pharmaceutiques essentiels comme les vaccins.
À l’horizon 2050, le nombre et la puissance des équipements de refroidissement dans le monde devraient tripler, selon le PNUE. Cela entraînera non seulement une augmentation significative de la consommation d’électricité, mais également une hausse des émissions de GES, estimée à 6,1 milliards de tonnes/an de CO2e. Cependant, des solutions existent pour relever ce défi. En agissant sur trois leviers principaux : le développement du refroidissement passif, l’amélioration de l’efficacité énergétique des équipements et le remplacement des fluides réfrigérants hydrofluorocarbonés (HFC) par des alternatives moins polluantes, il est possible de produire du froid de manière durable.
Face à ces enjeux majeurs, il est impératif que les gouvernements, les industries et la société civile travaillent de concert pour promouvoir des pratiques et des technologies de refroidissement respectueuses de l’environnement et accessibles à tous. Seule une action collective et coordonnée permettra de garantir un accès universel à la fraîcheur tout en préservant la planète pour les générations futures.
Emmanuel Diagbouga