Depuis le 18 septembre 2024, le Burkina Faso a pris une mesure radicale en suspendant l’exportation des amandes de karité, une ressource vitale pour l’économie nationale. Avec une production annuelle de 600 000 tonnes, le pays est le deuxième exportateur mondial de karité, juste derrière le Nigeria. Cette décision, annoncée par le gouvernement de Transition, s’inscrit dans une stratégie visant à renforcer la transformation locale de cette matière première et à stimuler le secteur industriel burkinabè.
Le karité : une richesse nationale
Le karité, souvent surnommé « l’or des femmes » en raison de la prédominance des femmes dans sa production, est un pilier de l’économie rurale au Burkina Faso. Il représente une source de revenus essentielle pour des milliers de familles dans les zones rurales. En 2019, les exportations d’amandes de karité ont généré environ 60 millions de dollars pour l’économie burkinabè. Cependant, ces chiffres impressionnants cachent une problématique : la plupart de ces amandes étaient destinées à l’exportation brute, laissant peu de valeur ajoutée au niveau national.
En réponse à cette situation, le gouvernement a pris la décision de suspendre temporairement ces exportations afin de rediriger cette matière première vers les industries locales. Cette mesure vise à encourager la transformation du karité au Burkina Faso et à créer plus d’opportunités économiques au niveau national, notamment à travers le développement d’industries locales capables de transformer les amandes en produits finis, tels que le beurre de karité, les cosmétiques ou encore les produits pharmaceutiques.
Promouvoir l’industrialisation locale
La décision du gouvernement inclut l’arrêt immédiat des Autorisations spéciales d’exportation (ASE), un mécanisme qui permettait auparavant d’exporter certaines quantités d’amandes malgré les restrictions. Désormais, ces ASE sont suspendues, ce qui aura un impact direct sur les exportateurs et les intermédiaires internationaux.
L’objectif principal derrière cette décision est de promouvoir une transformation locale accrue des amandes de karité. En encourageant les entreprises locales à s’investir davantage dans la transformation industrielle, le Burkina Faso espère créer de la valeur ajoutée sur place, augmentant ainsi les bénéfices potentiels pour l’économie nationale. Cette mesure devrait également offrir davantage de possibilités d’emploi, notamment pour les femmes, qui constituent l’essentiel de la main-d’œuvre dans la filière.
« Cette suspension vise à garantir un approvisionnement suffisant des industries locales », a déclaré un porte-parole du gouvernement, soulignant l’importance de cette matière première pour les usines de transformation implantées dans le pays. Cette décision s’inscrit dans la volonté plus large de renforcer l’autosuffisance économique du Burkina Faso en diversifiant les industries locales et en réduisant la dépendance aux exportations brutes de matières premières.
Un impact sur la chaîne de valeur internationale
La suspension des exportations d’amandes de karité aura sans doute des répercussions à l’échelle internationale. Les grandes entreprises cosmétiques et pharmaceutiques qui se fournissent en karité burkinabè devront se tourner vers d’autres fournisseurs, ou bien envisager des partenariats avec des industries locales pour assurer un approvisionnement durable.
Pour les exportateurs burkinabè qui dépendent de la vente brute des amandes, cette mesure pourrait initialement être perçue comme une contrainte. Cependant, sur le long terme, cette décision pourrait favoriser le développement de partenariats locaux et encourager des investissements dans la chaîne de valeur du karité, rendant l’industrie plus résiliente et compétitive sur le marché mondial.
Un secteur en pleine transformation
La transformation locale du karité au Burkina Faso est déjà en cours depuis plusieurs années. Des initiatives gouvernementales et privées ont vu le jour pour soutenir les coopératives féminines, améliorer les techniques de transformation et renforcer la commercialisation des produits finis à l’international.
Néanmoins, malgré ces efforts, une grande partie des amandes continue d’être exportée brute, privant le pays d’une part importante des revenus potentiels. La suspension des exportations, bien qu’ayant des effets immédiats sur les acteurs du marché, pourrait marquer un tournant vers une plus grande industrialisation du secteur.
En conclusion, la suspension de l’exportation des amandes de karité par le Burkina Faso reflète une volonté claire de redynamiser son industrie locale et de maximiser les bénéfices tirés de cette ressource précieuse. Alors que la demande mondiale pour les produits à base de karité, en particulier dans les secteurs des cosmétiques et des soins personnels, continue de croître, il est impératif pour le pays de se positionner comme un acteur clé dans la transformation de cette matière première. Si cette politique est bien mise en œuvre, elle pourrait non seulement générer plus de valeur ajoutée, mais aussi améliorer les conditions de vie de milliers de Burkinabè, en particulier des femmes, qui jouent un rôle essentiel dans la filière karité.
Emmanuel DIAGBOUGA