La biodiversité, souvent perçue comme une simple question de préservation des espèces, joue un rôle bien plus fondamental, notamment en tant que régulateur naturel des systèmes climatiques. En Afrique subsaharienne, cette relation est particulièrement cruciale. La région, caractérisée par une diversité écologique unique, abrite environ 25 % de la biodiversité mondiale terrestre, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Cette richesse naturelle est essentielle pour la régulation du climat, la résilience face aux changements climatiques et le maintien des moyens de subsistance de millions de personnes.
1. La Biodiversité : Un Bouclier Naturel contre le Réchauffement Climatique
Les écosystèmes diversifiés, tels que les forêts tropicales, les savanes et les zones humides de l’Afrique subsaharienne, agissent comme de véritables puits de carbone. Les forêts tropicales de la région du bassin du Congo, deuxième plus grand massif forestier au monde après l’Amazonie, séquestrent à elles seules près de 70 gigatonnes de CO2, soit environ 8 % des émissions mondiales de carbone. Ces forêts absorbent le dioxyde de carbone de l’atmosphère, réduisant ainsi la concentration de gaz à effet de serre, et contribuent à modérer les températures mondiales.
Les zones humides, quant à elles, couvrent environ 131 millions d’hectares en Afrique, représentant un rôle fondamental dans le stockage du carbone. La végétation aquatique et les sols saturés d’eau captent et stockent de grandes quantités de carbone, réduisant ainsi la quantité de CO2 libérée dans l’atmosphère.
2. Un Rempart contre l’Érosion et la Dégradation des Sols
En Afrique subsaharienne, l’érosion des sols est une menace majeure exacerbée par les changements climatiques. La biodiversité joue un rôle essentiel dans la lutte contre ce phénomène. Les forêts et les écosystèmes végétalisés limitent l’érosion des sols, protègent les bassins versants et assurent la stabilité des pentes. Par exemple, dans la région du Sahel, les efforts de régénération naturelle assistée (RNA) ont permis de réhabiliter environ 5 millions d’hectares de terres dégradées grâce à une diversité végétale adaptée au climat semi-aride.
Cette régénération contribue à la fertilité des sols et favorise la rétention de l’eau, essentielle pour l’agriculture. En effet, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que plus de 80 % de la population subsaharienne dépend directement des ressources naturelles pour leur alimentation et leurs moyens de subsistance. Le maintien de cette biodiversité est donc primordial pour la sécurité alimentaire et l’économie de la région.
3. La Biodiversité, une Source de Résilience Face aux Chocs Climatiques
La variabilité des espèces et des écosystèmes confère aux paysages naturels africains une plus grande résilience face aux chocs climatiques tels que les sécheresses, les inondations, et les vagues de chaleur. Par exemple, les forêts et les savanes stockent l’eau de pluie, la libérant lentement pendant les périodes sèches, régulant ainsi les cycles hydrologiques et réduisant le risque d’inondations.
Les mangroves, présentes dans les zones côtières de l’Afrique de l’Ouest, offrent une protection naturelle contre l’érosion côtière et l’élévation du niveau de la mer. Selon un rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), ces écosystèmes mangroviens absorbent jusqu’à 10 fois plus de carbone par hectare que les forêts terrestres, jouant un rôle clé dans la stabilisation du climat côtier.
4. Les Menaces qui Pèsent sur la Biodiversité et leurs Conséquences Climatiques
Malgré ces avantages cruciaux, la biodiversité de l’Afrique subsaharienne est sous pression. La déforestation, l’agriculture intensive, l’urbanisation croissante, et les projets miniers contribuent à une perte rapide des écosystèmes. En 2020, le taux de déforestation en Afrique subsaharienne a atteint 3,9 millions d’hectares par an, avec des conséquences dramatiques pour le climat régional et mondial.
Cette perte de biodiversité réduit la capacité des écosystèmes à réguler le climat, exacerbant les effets des changements climatiques. La réduction des forêts diminue les puits de carbone, augmentant la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Selon l’UICN, si les tendances actuelles de destruction de la biodiversité se poursuivent, les capacités naturelles de régulation climatique pourraient être réduites de 30 % d’ici 2050.
5. Quelles Solutions pour Protéger la Biodiversité et le Climat ?
Face à ces défis, plusieurs initiatives locales et régionales émergent pour préserver la biodiversité tout en luttant contre les changements climatiques. La Grande Muraille Verte, un projet ambitieux visant à restaurer 100 millions d’hectares de terres dégradées le long du Sahel d’ici 2030, est un exemple d’effort de conservation. Ce projet pourrait séquestrer jusqu’à 250 millions de tonnes de CO2 tout en fournissant des emplois verts et en renforçant la sécurité alimentaire.
Par ailleurs, les politiques nationales et internationales, telles que les Contributions déterminées au niveau national (CDN) des pays africains dans le cadre de l’Accord de Paris, intègrent de plus en plus la conservation de la biodiversité dans les stratégies d’atténuation et d’adaptation au changement climatique.
La biodiversité africaine n’est pas seulement une richesse à préserver pour ses valeurs intrinsèques, mais également un allié indispensable dans la lutte contre les changements climatiques. En protégeant cette biodiversité, l’Afrique subsaharienne peut non seulement renforcer sa résilience climatique mais aussi contribuer à la stabilisation du climat mondial. Cependant, sans des actions rapides et concertées pour freiner sa dégradation, les répercussions sur les écosystèmes, les populations et le climat pourraient être irréversibles.
Emmanuel DIAGBOUGA
Chiffres clés :
25 % de la biodiversité terrestre mondiale est située en Afrique subsaharienne (UICN).
70 gigatonnes de CO2 sont séquestrées par les forêts du bassin du Congo.
131 millions d’hectares de zones humides en Afrique stockent d’importantes quantités de carbone.
3,9 millions d’hectares de forêts perdues chaque année en Afrique subsaharienne (FAO).
250 millions de tonnes de CO2 pourraient être séquestrées par la Grande Muraille Verte d’ici 2030.