Citation du jour: « L’ homme et la nature ne font qu’un. La proteger c’est preserver l’avenir de l’homme « .

Sylvestre TIEMTORE, Coordonnateur du Secrétariat Permanent des ONG (SPONG) du Burkina Faso dans un entretien réalisé par ENVIRINFOS à la COP 28 à DUBAI

« Je crois que de plus en plus, les pays sont conscients qu’on a qu’une seule planète et tout le monde est d’accord que les accords soient de plus en plus contraignants et qu’ils puissent même y avoir des sanctions quand certains pays ne viennent pas respecter leurs engagements ». dixit Sylvestre TIEMTORE, Coordonnateur du Secrétariat Permanent des ONG (SPONG) du Burkina Faso dans un entretien réalisé par ENVIRINFOS à la COP 28 à DUBAI.

Il faut dire que le Secrétariat Permanant des Organisations Non-Gouvernementales (SPONG) est un élément de la société civile. C’est vrai qu’en tant que structure faîtière de coordination, nous faisons l’effort au-delà de nos organisations membres, d’avoir une société civile plus unifiée et parlant d’une seule voix. C’est pour ça donc que sous l’autorité du gouvernement, nous participons au même titre que les autres organisations de la société civile, de sorte à pouvoir harmoniser et mieux aiguillonner la participation des acteurs de la société civile. Pour ce qui est de notre responsabilité directe, à savoir le SPONG, ses membres et son staff, nous avons une préparation beaucoup plus assidue avec un agenda et des objectifs, à travers lesquels nous sommes venus à la COP 28 et je pourrais mieux parler donc pour le SPONG que pour l’ensemble des acteurs de la société civile. Comme vous le savez, chaque acteur vient avec ses partenariats et ses sources de financement et dépendamment des partenaires qui vous accompagnent, vos objectifs peuvent être parfois divergents en termes de participation aux événements et aux instances de la COP 28. Pour notre part, en tant que délégué du SPONG, nous sommes une dizaine, membres et staff de coordination confondus, à venir à la COP et nous nous sommes repartis les tâches. Nous devrons investir les activités en lien avec l’adaptation, en lien avec la finance climat, en lien avec le renforcement des capacités et les aspects de genre. Donc nous nous sommes répartis les tâches dans ce sens et nous sommes venus aussi avec des fiches de projets pour entamer des négociations avec le fond d’adaptation et aussi pour discuter avec le fonds vert climat à travers l’accompagnement de l’autorité désignée au niveau national, qui devrait organiser des Side event avec les experts régionaux pour que nous puissions avoir des feedbacks sur ces fiches de projets que nous pouvons peaufiner et soumettre à des financements pour accompagner les politiques gouvernementales en matière d’environnement au niveau de notre pays. Voici comment nous sommes organisés en tant que membre de la société civile et en tant que délégué venant de la plateforme SPONG.

Comme je le disais tantôt, venir à la COP demande des financements. Chacun se bat au niveau de ses partenaires pour obtenir des financements et dépendamment de ce que l’ONG ou l’association a préalablement défini avec son partenaire, il peut arriver que la participation soit orientée sur les événements en lien avec ce sur quoi l’ONG travaille avec ses partenaires. Certains sont venus sous le couvert des Nations unies, d’autres sont venus sous le couvert d’ONG internationales, d’autres sont venus sous le couvert de programmes. C’est vrai que la COP parle de climat, mais à l’intérieur du climat, vous avez des questions liées à l’eau, des questions liées à à la sécurité alimentaire, des questions liées à la déforestation, à la reforestation, des questions liées à la biodiversité, à l’adaptation de façon globale. Donc ça fait que les intérêts ou les centres d’intérêts peuvent parfois être multiformes. Je ne dirais pas divergents mais multiformes parce que chacun y va de ses centres d’intérêts et de ses objectifs de travail. Maintenant comment est-ce qu’on peut agréger tout cela à la fin, cela reste encore un défi en l’état parce que comme je l’ai dit, les gens viennent avec des objectifs parfois complémentaires, mais qui peuvent être différents à l’origine. Donc il est important que nous puissions en faire le point à la fin et voir comment ces différentes négociations menées par les ONG ou même par le gouvernement apportent un plus au niveau donc de la réponse au défi du changement climatique dans notre pays. Mais actuellement, il reste un défi en terme de coordination des résultats engrangés parce que les négociations ayant été bilatérales, ce serait prétentieux de dire que l’État ou la société civile peut d’ores et déjà dire qu’il a une vue d’ensemble sur ce que les uns et les autres ont engrangé parce qu’il y a des processus qui vont se poursuivre et qui peuvent prendre encore plusieurs années pour se concrétiser.

Déjà au niveau de la plateforme du SPONG, il y a un effort de coordination qui est fait, comme je l’ai déjà dit, nous sommes venus avec des orientations et des centres d’intérêt qui sont à la fois des questions d’adaptation, des questions de finance climat, des questions de genre, des questions de renforcement des capacités. Donc l’invite que nous avons à l’endroit de nos membres, c’est de s’inscrire dans les différents panels pour pouvoir collecter des informations, nouer des partenariats stratégiques qui peuvent nous apporter de l’information, des investissements ou du partenariat et pouvant permettre au pays de renforcer ses différents volets. En plus de cela, vous savez que les organisations sont libres de leur partenariat et chacune est libre de pouvoir aussi nouer des partenariats, rechercher des financements pour son propre fonctionnement, pour ses propres activités. Et cela peut être difficilement contrôlable. Et notre ambition aussi, c’est ne pas de régenter les organisations. Parce que si vous n’avez pas la capacité financière de financer les gens pour qu’ils se rendent à la COP, ça peut être prétentieux pour notre part de vouloir caporaliser les résultats auxquels les uns et les autres parviennent d’autant plus qu’ils sont venus de par leur propre force.

OUI. En termes d’initiatives, nous avons le partage des bonnes pratiques de nos ONG. Pendant cette COP, nous sommes intervenus sur les questions de l’initiative « Grande muraille verte » et nous avons encore parlé d’autres expériences telle que » Beoog Puto », portée par SOS SAHEL et également BENKADI qui est un projet de plaidoyer porté par le secrétariat permanent des ONG dans quatre pays d’Afrique de l’Ouest, et qui vise à améliorer l’efficacité des politiques publiques environnementales, pour ne citer que ces 3 initiatives. En plus de cela, les membres de façon individuelle, chacun selon ses bonnes pratiques et ses expériences réussies, vont investir des « side event » pour pouvoir partager l’expérience du Burkina en matière d’adaptation ou d’atténuation. Sur l’adaptation, on a déjà un projet qui est bien avancé et qui est endossé par la partie nationale de vingt et un millions (21.000.000) de dollars qui va être soutenu par le PNUD, la BOAD, le Fonds d’adaptation et sur lequel on compte commencer l’écriture l’année prochaine en 2024. Ce projet pourra permettre de mobiliser donc des fonds pour le Burkina Faso afin d’accompagner l’État dans la réponse aux questions de changement climatique. On a aussi des idées de projets que nous ambitionnons soumettre au fond vers pour le climat et ces projets et nous allons d’ores et déjà chercher à les discuter et avoir les recommandations, donc des conseillers régionaux du Fonds vers pour le climat. Comme vous le savez, au niveau du Fonds vert, quand on est à cinquante millions de dollars 50 ?000.000) , c’est déjà des petits projets. Donc, nous avons un projet sur ce montant et un autre de soixante-quinze millions (75.000.000) de dollars que nous allons porter. Le premier va porter sur la solution basée sur la nature et le second va porter sur l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre à travers la gestion des déchets dans la ville de Ouagadougou.

La réponse au changement climatique ne peut pas se faire tout seul et c’est dans ce cadre que déjà le SPONG en tant que réseau, collabore avec d’autres réseaux de la sous-région, notamment avec la convention de la société civile ivoirienne, la plateforme des acteurs de la société civile au Bénin, le secrétariat de concertation des ONG au Mali. Il y a également des partenaires au niveau des Pays-Bas comme l’ONG néerlandaise WOORD EN DAAD. Le SPONG entreprend des actions de collaboration avec d’autres réseaux pour créer des alliances beaucoup plus fortes qui nous permettent de porter la voix au niveau africain et au niveau mondial. Donc c’est un combat qu’on ne peut pas gagner tout seul. Il faut beaucoup de synergies. Il faut beaucoup d’alliances et nous sommes résolument dans cette voie et d’où notre participation à cette COP qui est aussi une plateforme mondiale pour se faire entendre et pour porter la voix de la société civile africaine et burkinabé en particulier.

En termes de responsabilité sociétale d’entreprise, nous pensons que le privé a un très grand rôle à jouer et en tant que société civile, nous attendons beaucoup de lui, d’abord pour qu’il respecte les mesures de sauvegarde environnementale. C’est très important parce que quand vous prenez que ce soit les sociétés minières ou d’autres sociétés polluantes ou susceptibles d’être polluantes, il y a des normes environnementales qui sont déjà fixées au niveau du pays et auxquelles ces entreprises ont librement souscrit déjà par leurs études de sauvegarde environnementale. Mais force est de constater que par moment, ces entreprises ne font pas l’effort de respecter ces mesures de sauvegarde environnementale. D’autre part, il y a la responsabilité sociétale d’entreprise qui devrait leur permettre aussi de financer ou de contribuer à financer des actions d’adaptation. Et pourquoi pas même d’atténuation à travers les fonds que ces entreprises ont mis en place. Malheureusement, force est de constater que souvent, il y a très peu d’accompagnements de ces entreprises vis-à-vis des organisations de la société civile qui ont déjà un savoir-faire en matière d’adaptation au changement climatique qui aurait pu nous permettre d’aller plus vite. Mais on constate très souvent que ces entreprises veulent elles-mêmes faire directement les activités alors qu’il devrait y avoir une sorte de complémentarité.

En termes d’éducation des communautés et au respect des certaines bonnes pratiques, la société civile peut mieux accompagner les entreprises à atteindre donc leur rôle en termes de restauration des sols dégradés par exemple par les entreprises minières, qu’elles soient formelles ou informelles à travers les artisans miniers et autres. Il y a des possibilités de collaboration qui pourraient exister, mais qui restent très peu exploitées et c’est vraiment dommage. Notre appel c’est vraiment dans ce sens. Plus de synergies entre les entreprises et la société civile, et que les fonds qui sont mis en place, les entreprises laissent parler leurs responsabilités sociétales en finançant les activités de la société civile en termes d’adaptation et de restauration

Oui, je donnerais l’exemple du programme BENKADI qui signifie « travailler ensemble dans la même direction ». Un programme sur la résilience climatique qui vise à améliorer l’efficacité des politiques publiques environnementales. Ce programme a un axe stratégique qui comporte le développement des capacités des communautés au Mali, au Bénin, au Burkina et en Côte d’Ivoire. En l’espace de deux années et demi, c’est plus de huit mille (8000) organisations de la société civile qui ont été renforcées. Ces organisations ont été capacité dans la connaissance même du changement climatique, le plaidoyer et. les aspects de prise en compte du genre dans la lutte contre le changement climatique. Donc autant d’acteurs qui ont été capacités et même au niveau public, les acteurs ont été capacités et ça permet aujourd’hui de créer un effet levier, de consolider la voie de la société civile dans ces quatre pays. Cela permet également des changements institutionnels au niveau de la prise de textes d’application, de décrets ou de lois tendant à améliorer le cadre juridique de la lutte contre le changement climatique dans ces 4 pays. J’ai cité donc cet exemple pour montrer que la société civile bouge énormément sur le terrain et construit une communauté de voix beaucoup plus forte et travaille à ce que la voix de la société civile soit davantage entendue par les décideurs, par les partenaires et que les communautés par elles-mêmes se prennent en charge pour lutter contre les effets du changement climatique.

A l’absence d’une étude d’évaluation objective faite, tout ce que je pourrai dire ne peut être que des appréciations fondées sur mon expérience. Ce que je sais, c’est que de plus en plus la participation de la société civile aux COP va en se bonifiant. Depuis quelques années, il y a des rencontres préparatoires qui sont faites de concert avec la partie gouvernementale pour mieux préparer les acteurs à la participation des événements. On ne peut pas être présent partout mais on cibler des centres d’intérêt pour pouvoir participer. Il faut aussi venir avec des objectifs personnels de rencontre, de partenariat, de lobbying et je crois que les acteurs de plus en plus comprennent cela. Maintenant, il faudrait en aval, de retour au pays, essayer d’harmoniser une fiche d’évaluation pour voir qu’est-ce que chacun y a gagné en termes de partenariat, mais de ce qui nous revient de façon informelle, c’est que des précédentes COP, des ONG membres du SPONG ont pu nouer des partenariats, obtenir des financements, et c’est ce qui les motive davantage à revenir. Mais ça reste un élément à renforcer en termes d’évaluation et comme vous le savez, la principale difficulté réside dans le fait que vous ne pouvez pas dans au préalable savoir qui sont ceux qui vont venir.

En tant que société civile, il faut dire que nous avons un pouvoir d’action limité, d’abord sur les engagements qui sont pris parce que les engagements sont pris entre les États, nous n’avons pas d’obligation directe au-delà de notre propre État. Donc ce qu’on fait déjà, c’est d’appeler à la redevabilité au niveau de notre propre État pour s’assurer que les engagements pris, notamment au niveau de la Contribution Déterminée au niveau National (CDN) soient respectés et là nous avons des outils. Nous avons même signé tout récemment des protocoles avec le Conseil National pour le Développement Durable (SP/CNDD) qui permet à nos ONGs partenaires de suivre déjà les engagements du Burkina en matière de CDN. Au niveau international, il faut dire que le suivi se fait à travers des coalitions. Donc le panel de la société civile aussi essaie de faire ce travail de suivi et d’interpellation de la communauté internationale au respect de ses engagements. C’est difficile donc à cette étape pour une seule organisation à l’échelle d’un pays de pouvoir appeler à la redevabilité. Cela peut se faire, mais l’effet est mineur. C’est au niveau des grands groupes et des grands réseaux que se fait ce travail d’interpellation au respect des engagements pris pendant les COP. Un rapport sera sans doute établi à la fin dans lequel l’on verra les engagements issus de la COP 28. Mais le suivi, nous pensons qu’il importe déjà à chaque acteur de la société civile dans son pays, d’en faire le suivi des engagements de son propre pays. Et si chacun joue sa partition, au niveau mondial on peut avoir donc des engagements davantage dans cette perspective. Il faut garder à l’esprit que le respect des engagements a beaucoup d’enjeux financiers et géostratégiques au niveau mondial, qui fait que c’est difficile de le faire respecter. Il faut noter aussi que les accords ne sont pas contraignants la plupart du temps. Ce sont parfois des recommandations et les pays peuvent ne pas les respecter s’ils estiment que ça peut porter préjudice à leur évolution, leur croissance économique. Cela peut donc retarder ou suspendre la mise en œuvre de certains engagements dans certains pays qui ont plus de pouvoir que d’autres. Il est difficile donc de les concrétiser ou obliger ces pays à tenir leurs engagements. Voilà la complexité donc de ce genre de rencontre internationale et d’engagements pris au niveau international. Mais je crois que de plus en plus, les pays sont conscients qu’on a qu’une seule planète et tout le monde est d’accord que les accords soient de plus en plus contraignants et qu’ils puissent même y avoir des sanctions quand certains pays ne viennent pas respecter leurs engagements. Mais gardons la foi et espérons qu’il en sera ainsi.

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