Depuis 2019, les Journées Nationales de l’Arbre (JNA) s’inscrivent comme un moment symbolique et stratégique de l’agenda environnemental burkinabè. Loin d’être un simple rituel, cette initiative annuelle portée par l’État et soutenue par divers acteurs locaux et internationaux vise à faire de la reforestation un levier central dans la lutte contre la désertification, la restauration des écosystèmes et l’adaptation au changement climatique.


Au fil des sept éditions, la dynamique a pris de l’ampleur, traduisant une volonté politique affirmée de reverdir le pays. Lors des deux premières éditions, organisées en 2019 et 2020, six millions de plants ont été mis en terre à travers tout le territoire.
En 2021, l’ambition est montée d’un cran avec un objectif de dix millions d’arbres, marquant une étape décisive vers une reforestation de masse.
Toutefois, l’édition suivante, en 2022, a vu une baisse significative du nombre de plants, avec seulement 900 000 arbres recensés, illustrant les limites structurelles du programme, entre contraintes logistiques, climatiques et sécuritaires.
En 2023, la cinquième édition a réenclenché une dynamique haussière, avec environ cinq millions de plants distribués. L’année suivante, en 2024, ce sont six millions de plants qui ont été annoncés pour la campagne de reforestation, dont 70 000 spécifiquement ciblés pour la seule Journée Nationale de l’Arbre.
Mais c’est en 2025, pour la septième édition, que l’ambition atteint son paroxysme : le Burkina Faso s’est donné pour défi de planter cinq millions d’arbres en une heure avec le slogan : « l’heure patriotique pour revenir le Faso », avec un objectif global de vingt millions (20 000 000) de plants pour l’ensemble de la campagne nationale. Un record inédit à l’échelle du pays, qui illustre une volonté claire de faire basculer le pays vers une régénération massive de ses ressources forestières.
Cependant, au-delà des chiffres annoncés, une lecture critique s’impose. Si des millions de plants sont mis en terre, la question centrale reste celle de leur survie. En effet, de nombreux facteurs affectent la pérennité des plantations : manque d’arrosage, absence d’entretien, pâturage non contrôlé, feux de brousse, ou encore inadéquation entre les espèces plantées et les conditions écologiques locales.
Planter ne suffit donc pas, encore faut-il assurer un suivi rigoureux, impliquer durablement les communautés locales et adapter les choix techniques aux réalités agroécologiques. La plantation devient efficace lorsqu’elle s’inscrit dans une logique de gestion durable et participative du territoire.
Les JNA ont toutefois permis de tirer plusieurs leçons. Elles ont prouvé qu’un engouement populaire existe, notamment dans les zones rurales, où les arbres plantés sont souvent perçus comme des ressources vivantes : ombrage, fruits, bois, fourrage, ou encore symboles de lien social. Elles ont également montré que la reforestation ne peut plus être pensée en dehors des enjeux économiques, sociaux et climatiques.
Pour passer de la plantation à la régénération, il faut désormais intégrer des innovations adaptées au contexte sahélien : l’agroforesterie, la régénération naturelle assistée, l’utilisation de technologies de suivi comme les drones ou les applications mobiles, ainsi que la valorisation des espèces locales à haute résilience.
L’enjeu est de taille. Le Burkina Faso perd chaque année environ 105 000 hectares de forêts selon le ministère de l’Environnement, qui souligne un recul continu des superficies forestières dans le pays. Cette estimation est confirmée par plusieurs sources qui indiquent une perte annuelle moyenne située entre 100 000 et 111 000 hectares, notamment une analyse couvrant la période 2000-2013 qui estime une perte moyenne annuelle de 111 286 hectares de superficies forestières.
Pour inverser cette tendance, il faudra inscrire les JNA dans un cadre stratégique plus large, où la restauration des terres s’articule avec la sécurité alimentaire, la résilience climatique et la création d’emplois verts. Cela passe par des politiques incitatives, un financement climatique mieux structuré, l’implication des collectivités territoriales et l’éducation environnementale dès le plus jeune âge.
En définitive, les sept premières éditions des Journées Nationales de l’Arbre ont semé les graines d’une conscience écologique nouvelle. L’enjeu pour les années à venir ne sera pas seulement de planter davantage, mais de planter mieux, et de faire de chaque arbre un acteur vivant d’un Burkina Faso réconcilié avec ses racines naturelles. La course contre la désertification est engagée, et le succès dépendra de la capacité collective à transformer les campagnes de plantation en paysages réellement restaurés et résilients.
Emmanuel Diagbouga
Quelques chiffres clés
- Environ 47 millions de plants en 7 éditions de JNA ;
- 5 millions d’arbres plantés en 1 heure, défi fixé pour le 21 juin 2025 ;
- Objectif 2025 : 20 millions de plants sur l’année 2025 ;
- DGESS MEEA : le Burkina Faso perd en moyenne 0,72 % de sa couverture forestière chaque année.