À 81 ans, El Hadj Salifou Ouédraogo est aujourd’hui une figure emblématique du reboisement et de la préservation de l’environnement au Burkina Faso. Cet agriculteur visionnaire, qui a consacré plus de cinq décennies à la plantation de baobabs, a été honoré en 2024 comme champion de l’arbre par le mouvement écologique du Burkina. Il a également parrainé la sixième édition du Salon International de l’Agriculture (SIA), reconnaissant son rôle crucial dans la promotion d’une agriculture durable et résiliente.
Un parcours marqué par la persévérance et l’innovation
L’histoire de Salifou Ouédraogo commence en 1968, lorsqu’il décide de se lancer dans la plantation d’arbres après avoir échoué dans la culture des mangues. Confronté à de multiples défis, notamment des préjugés culturels, des conditions climatiques difficiles et des ressources limitées, il choisit le baobab, un arbre aussi emblématique qu’adapté aux régions arides.
Son engagement pour la plantation de baobabs a cependant rencontré des résistances. Dans sa communauté, planter un baobab était perçu comme un acte maléfique censé raccourcir l’espérance de vie. Malgré ces superstitions, il a persévéré, convaincu que cet arbre pourrait jouer un rôle clé dans la lutte contre la désertification et le renforcement de la sécurité alimentaire locale. Grâce à sa résilience, il a réussi à planter plus de 35 000 baobabs sur environ 100 hectares dans la région des Banwa, près de Solenzo.
Des défis transformés en opportunités
Les efforts d’El Hadj Salifou Ouédraogo n’ont pas été sans obstacles :
Préjugés culturels : L’opposition communautaire a constitué un défi moral et social, mais il a su surmonter les critiques en démontrant l’importance écologique et économique des baobabs.
Conditions climatiques extrêmes : Dans les années 70, des périodes de sécheresse prolongée ont rendu la plantation d’arbres presque impossible. Il a dû innover en utilisant des techniques de conservation d’eau pour maintenir ses plantations.
Ressources limitées : Avec peu d’accès à l’eau et une lutte constante contre les maladies des plantes, son travail de reboisement relevait d’un véritable exploit.
Malgré ces défis, ses efforts lui ont valu le prix Kuuri d’or 2024, une reconnaissance nationale pour sa contribution exceptionnelle à l’environnement et au développement durable.
Les impacts économiques et environnementaux de son initiative
Les plantations de Salifou Ouédraogo ne se limitent pas à un apport écologique ; elles constituent également une source de revenus et de sécurité alimentaire pour sa famille et la communauté.
1. Revenus de la vente des jeunes plants : Les pieds de baobabs qu’il commercialise entre 2 000 et 5 000 FCFA attirent une clientèle diversifiée venant du Burkina Faso, mais aussi des pays voisins comme le Mali, la Côte d’Ivoire et le Sénégal.
2. Produits dérivés du baobab : Les feuilles riches en nutriments, récoltées trois fois par an, servent non seulement à nourrir sa famille mais aussi à alimenter le marché local.
3. Amélioration des sols et lutte contre la désertification : Les baobabs qu’il plante régénèrent les sols, favorisent la rétention d’eau, réduisent l’érosion et offrent un habitat pour la biodiversité locale.
4. Renforcement de la sécurité alimentaire : Les feuilles et fruits du baobab, riches en nutriments, jouent un rôle crucial dans l’alimentation des populations locales.
Une inspiration pour les générations futures
Le travail d’El Hadj Salifou Ouédraogo va au-delà de ses plantations. En sensibilisant les membres de sa communauté à l’importance du reboisement, il a encouragé plusieurs agriculteurs à s’engager dans la lutte contre la désertification. Son initiative est devenue un modèle à suivre, inspirant des mouvements collectifs pour la protection de l’environnement au Burkina Faso et au-delà.
En ce début de l’année 2024, la reconnaissance de Salifou Ouédraogo comme champion de l’arbre est un message fort. Son parcours illustre que, même avec des moyens limités, un individu déterminé peut contribuer de manière significative à la restauration des écosystèmes et au bien-être des communautés.
Un héritage durable
À travers ses actions, El Hadj Salifou Ouédraogo laisse un héritage inestimable à son pays et à la planète. En honorant cet homme de conviction, le Burkina Faso reconnaît non seulement son rôle dans la préservation de l’environnement, mais aussi l’importance des initiatives locales pour répondre aux défis globaux tels que le changement climatique et la désertification.
Cet exemple vivant rappelle que chaque arbre planté est une graine d’espoir pour un avenir meilleur.
Emmanuel DIAGBOUGA