Face à l’urgence climatique et à l’accélération de la désertification, les campagnes de reboisement nationales de masse apparaissent comme des réponses stratégiques majeures. Toutefois, leur succès ne saurait se mesurer uniquement au nombre de plants mis en terre. La réussite réside dans la durabilité des plantations, leur intégration sociale et écologique, et la mise en place de mécanismes de suivi rigoureux. Voici les conditions indispensables pour transformer un acte symbolique en véritable levier de résilience.



Un ancrage communautaire fort
Le reboisement ne peut être une opération descendante. L’implication des communautés locales – dès la planification – est primordiale. L’exemple du Niger avec son approche de “régénération naturelle assistée” (RNA) montre qu’en confiant aux populations la gestion des ressources ligneuses, le couvert végétal peut augmenter durablement. Cette méthode, moins coûteuse et plus efficace que les plantations classiques, repose sur l’entretien des rejets naturels par les agriculteurs eux-mêmes.
Le choix des espèces adaptées au contexte écologique
Trop souvent, des campagnes massives échouent faute d’un choix judicieux des essences plantées. Prioriser les espèces autochtones ou résistantes aux conditions locales (sécheresse, sols pauvres, pression pastorale) est crucial. En Éthiopie, par exemple, la combinaison d’espèces indigènes comme Juniperus procera et Cordia africana dans les hautes terres a permis une restauration réussie de plusieurs bassins versants dégradés.
Un encadrement technique rigoureux
Les campagnes les plus efficaces sont celles accompagnées par des professionnels formés – forestiers, agronomes, ONG spécialisées – qui encadrent la mise en terre, assurent la qualité des plants, et forment les populations à l’entretien. Au Rwanda, le programme national de reboisement intègre systématiquement des formations et un appui technique continu dans ses projets, avec un taux de survie des plants dépassant 80 %.
Une sécurisation foncière claire
Le reboisement implique un engagement à long terme. Cela nécessite que les populations aient un droit reconnu sur les terres reboisées. Au Sénégal, le projet “Great Green Wall” a réussi à mobiliser durablement les communautés en sécurisant les terres via des accords clairs, garantissant que les bénéfices futurs (bois, produits non ligneux, agroforesterie) leur reviennent.
Un mécanisme de suivi-évaluation et de maintenance
La plantation ne représente que la première étape. Les premières années sont décisives pour la survie des arbres. Un système de suivi participatif avec des indicateurs clairs, des comités villageois ou scolaires de surveillance, et un budget alloué à l’entretien (paillage, arrosage, protection contre les animaux) est essentiel. Le Maroc, à travers son “Programme national de reforestation”, a démontré l’importance de l’entretien en post-plantation, doublant le taux de réussite de ses actions en cinq ans.
Des incitations économiques et sociales à la conservation
Quand les arbres reboisés deviennent une source de revenu (miel, fruits, semences, pharmacopée, éco-tourisme), les communautés en deviennent naturellement les gardiens. Au Kenya, l’intégration de la filière moringa et de l’apiculture dans les zones reboisées a généré des revenus significatifs, incitant les populations à entretenir les plantations de manière proactive.
Les campagnes de reboisement nationales ont un fort potentiel pour restaurer les écosystèmes, renforcer la sécurité alimentaire et lutter contre les effets du changement climatique. Mais sans une approche intégrée, ancrée localement, techniquement encadrée et économiquement viable, ces initiatives risquent de rester des coups d’épée dans l’eau. Il est temps de passer de la plantation symbolique à la restauration durable des paysages.
Emmanuel DIAGBOUGA