Le 31 décembre 2024, le Président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, a annoncé une initiative ambitieuse pour le Burkina Faso : la création d’un bosquet dans chaque province, destiné à abriter des plantes médicinales et des herbes tradithérapeutiques. Cette démarche s’inscrit dans un contexte où le pays lutte contre les défis environnementaux, notamment la déforestation, la désertification, et la dépendance aux médicaments importés. Elle vise à renforcer la gestion durable des ressources forestières, à promouvoir la médecine traditionnelle et à améliorer la santé publique. Toutefois, pour garantir le succès de ce projet, il est essentiel de tirer les leçons de programmes précédents, comme « 8000 villages, 8000 forêts », et de formuler des recommandations pratiques.
1. Le programme « 8000 villages, 8000 forêts » : Un modèle de référence
Lancé en 1994, le programme « 8000 villages, 8000 forêts » visait à créer une forêt dans chaque village du Burkina Faso, afin de lutter contre la déforestation et la désertification. Ce programme a connu des succès notables dans plusieurs domaines clés :
Plantations massives : Entre 1994 et 1997, environ 15 millions de semis d’arbres ont été plantés, suivis par une campagne de 7 millions de semis supplémentaires. Cette initiative a contribué à restaurer une partie du couvert forestier du pays et à améliorer la biodiversité.
Renforcement de la gestion forestière : Le programme a permis la création de forêts villageoises, où les populations locales étaient directement impliquées dans la gestion des ressources naturelles. Ces forêts ont non seulement contribué à la protection de la biodiversité, mais aussi à la gestion durable des ressources forestières.
Implication communautaire : Une des clés du succès de ce programme a été l’engagement des communautés locales. En impliquant directement les habitants dans la gestion des forêts, le programme a renforcé leur implication dans les efforts de conservation, garantissant ainsi la durabilité des actions entreprises.
2. Leçons à tirer pour l’initiative des bosquets de plantes médicinales
L’initiative présidentielle de création de bosquets de plantes médicinales s’inscrit dans une logique similaire à celle du programme « 8000 villages, 8000 forêts », en ce sens qu’elle vise à restaurer et gérer de manière durable les ressources naturelles, tout en impliquant les communautés locales. Cependant, plusieurs leçons peuvent être tirées de l’expérience du programme précédent :
Gestion participative : La réussite de l’initiative des bosquets dépendra largement de l’implication des populations locales dans la gestion de ces espaces. Comme l’a montré le programme « 8000 villages, 8000 forêts », les communautés qui participent activement à la gestion des ressources naturelles sont plus enclines à les protéger et à les conserver. Une gestion participative des bosquets, incluant la formation et l’organisation des communautés autour de la collecte et de l’entretien des plantes médicinales, est essentielle pour garantir la durabilité de cette initiative.
Suivi et évaluation : Le programme « 8000 villages, 8000 forêts » a rencontré des difficultés liées au manque de suivi systématique des plantations et à des pratiques illégales, telles que la coupe excessive de bois. Un suivi rigoureux, accompagné de mécanismes de contrôle pour éviter les abus, est crucial pour assurer la pérennité des bosquets. Il serait pertinent de mettre en place des comités locaux de gestion des bosquets, en collaboration avec les autorités locales et les chercheurs, afin d’évaluer régulièrement l’impact du projet.
Renforcement des capacités locales : La formation des populations locales, non seulement sur les techniques de plantation et de gestion des plantes médicinales, mais aussi sur la valorisation des produits, pourrait stimuler l’engagement et la réussite du programme. Par ailleurs, la collaboration avec des institutions de recherche, comme l’Institut de Recherche en Sciences de la Santé (IRSS), pourrait permettre d’identifier des plantes médicinales aux propriétés thérapeutiques reconnues et d’améliorer l’efficacité du programme.
Adaptation au changement climatique : Les effets du changement climatique ont un impact significatif sur la croissance et la pérennité des plantations. En prenant en compte ces défis, il est important de choisir des espèces végétales adaptées aux conditions climatiques locales, résilientes aux sécheresses et aux variations climatiques. Une sélection rigoureuse des espèces et un suivi climatique sont donc essentiels.
3. Conditions de succès pour l’initiative des bosquets de plantes médicinales
Pour que cette initiative réussisse, plusieurs conditions doivent être réunies :
Engagement politique et soutien institutionnel : Le succès du programme dépendra de l’engagement politique continu et de la mobilisation des ressources nécessaires. Les autorités doivent veiller à l’allocation d’un financement suffisant pour soutenir la mise en œuvre du projet, notamment en matière de formation, d’infrastructures et d’équipements.
Collaboration entre acteurs : Il est essentiel d’établir des partenariats solides entre le gouvernement, les communautés locales, les chercheurs, les organisations de la société civile et les entreprises privées. Une approche multisectorielle favorisera une gestion cohérente et intégrée des bosquets.
Sensibilisation et éducation environnementale : Pour renforcer l’engagement des communautés et assurer la durabilité du projet, des campagnes de sensibilisation à l’importance des plantes médicinales et de leur gestion durable doivent être menées. L’éducation environnementale et la sensibilisation à l’utilisation responsable des ressources seront des leviers clés pour le succès du projet.
4. Recommandations nécessaires
Pour garantir la réussite de l’initiative, voici quelques recommandations pratiques :
Mise en place de mécanismes de gestion participative : Créer des comités locaux de gestion des bosquets, impliquant les communautés dans toutes les étapes du projet, du choix des sites à la gestion quotidienne.
Renforcement du cadre législatif et réglementaire : Adopter des lois et des règlements stricts concernant la gestion des ressources forestières et la protection des bosquets de plantes médicinales contre les abus.
Suivi et évaluation continus : Mettre en place des systèmes de suivi rigoureux pour mesurer les progrès du projet et identifier rapidement les obstacles, tout en adaptant les stratégies en fonction des résultats obtenus.
Adaptation aux réalités climatiques locales : Prendre en compte les spécificités climatiques de chaque province pour choisir les plantes les mieux adaptées, et mettre en place des stratégies de gestion climatique durable.
Renforcement de la recherche et de la valorisation des plantes médicinales : Collaborer avec des chercheurs et des institutions scientifiques pour identifier et valoriser les propriétés thérapeutiques des plantes, tout en développant des mécanismes pour commercialiser les produits issus des bosquets.
L’initiative présidentielle de création de bosquets de plantes médicinales dans chaque province du Burkina Faso représente une opportunité précieuse pour renforcer la gestion durable des ressources forestières, promouvoir la médecine traditionnelle et lutter contre la déforestation. En s’inspirant des leçons tirées du programme « 8000 villages, 8000 forêts », cette initiative pourrait non seulement restaurer les écosystèmes locaux, mais aussi contribuer à la résilience du pays face aux défis environnementaux et sanitaires. Cependant, sa réussite dépendra de l’implication active des communautés, du suivi rigoureux du programme, et de l’adoption de pratiques adaptées aux réalités locales et climatiques.
Emmanuel DIAGBOUGA
